Chanel, Rabanne, Hermès... Zoom sur les gammes maquillage des marques haute couture

Publié le 27 mai 2025 à 18:53

Depuis quelques années, c’est à nouveau le grand amour entre haute couture et maquillage, avec le retour de gammes alliant luxe, patrimoine et innovation.

A l'origine, il y a Coco Chanel, tellement visionnaire, qui, en 1924, trois ans après le parfum N° 5, a l'idée de lancer les collections de poudres et de rouges à lèvres à son nom. Presque trente ans plus tard, en 1953, le premier rouge à lèvres de Christian Dior, Rouge Dior, voit le jour, développé pour compléter ses collections couture. Ces deux maisons, aujourd'hui incontournables et toujours emblématiques des liens entre la mode et le maquillage, ont ouvert la voie à une catégorie de produits de luxe avec supplément d'âme.

Suivront Yves Saint Laurent en 1978, Givenchy en 1989, Giorgio Armani en 2000, Tom Ford en 2011… Le modèle s'est pourtant essouffé peu à peu, les créateurs des maisons de haute couture et les services de marketing beauté faisant souvent bureau à part – comme cela s'est produit avec les parfums. Mais, depuis 2019, des liens se retissent. Alors que le marché du maquillage est saturé, notamment en Chine, devenue le centre de gravité de la consommation, se démarquer réclame un puissant adjuvant. « La mode demeure le plus effcace de tous », analyse Eric Briones, cofondateur de la Paris School of Luxury, auteur de Luxe & Digital (Dunod).

 

Le retour des directeurs artistiques

Plusieurs grands lancements ont marqué, dès 2019, le retour de la mode dans le maquillage : ceux de Gucci, Hermès et Victoria Beckham. Chez Gucci, Alessandro Michele, directeur artistique de l’époque, s’est impliqué dans les codes visuels de la ligne, inaugurée avec une première collection de rouges à lèvres, 95 nuances réparties en cinq finis, chacun ayant son emballage d’inspiration rétro. Le créateur a aussi orchestré les visuels et les campagnes publicitaires, apportant une vraie cohérence à l’ensemble.

Chez Hermès, qui s’est également immiscé au rayon make-up avec des rouges à lèvres, la signature est assurée côté packaging par Pierre Hardy, directeur de création de la chaussure et de la joaillerie. Les teintes des rouges ont, elles, été imaginées par Bali Barret, directrice artistique de l’univers féminin Hermès, en partant des nuanciers des soies maison. « Ce petit objet permettait de condenser notre rapport à la couleur, à la matière, à l’objet à la fois fonctionnel et durable, au confort et à la sensualité, car c’est aussi ça Hermès », expliquait Jérôme Touron, alors directeur de la création Hermès Beauté.

Pour le lancement de Valentino Beauty en 2021, sous la houlette du groupe L’Oréal, le directeur créatif de la maison Valentino, Pierpaolo Piccioli, s’est lui aussi beaucoup investi : « J’ai voulu, à travers cette collection, délivrer l’excellence et l’esprit expérimental de la couture, et toucher une nouvelle génération qui cherche à exprimer librement son individualité. » Le designer a d’ailleurs photographié lui-même la première campagne publicitaire.

Mais, en cet automne 2023, c’est la maison Paco Rabanne qui frappe un grand coup, en proposant 90 références pour les yeux, la bouche et le teint, travaillées en collaboration avec Julien Dossena, directeur artistique de la marque depuis 2013. Le métal, matériau culte du label mode, est présent tant au niveau des emballages que des textures. La notion de détournement d’objets chère au créateur est aussi au rendez-vous, avec des tubes et des fards inspirés des arts plastiques. De son côté, Prada vient de lancer Prada Couleur (ainsi que Prada Soin), une gamme de fonds de teint, de rouges à lèvres et de palettes pour les yeux, dont le graphisme emprunte les imprimés emblématiques de la maison.



Des produits ancrés dans l'époque

Pas question pour toutes ces marques de passer à côté des préoccupations des consommateurs. L’inclusivité, avec une large palette de teintes, est au cœur des créations. La communication prend soin aussi de représenter la diversité de la société, jusqu’à proposer, chez Paco Rabanne, des visuels de make-up avec un homme. Sans oublier la question écologique. « Il est essentiel aujourd’hui de rendre le durable attractif, insiste Eric Briones. Là encore, la mode est la clé pour injecter de la désirabilité. »

Chez Hermès, les lourds écrins en métal laqué des poudres et des rouges à lèvres sont rechargeables. C'est aussi le cas des produits Prada et des rouges à lèvres et poudres de Zara, marque de mode grand public qui a su proposer une gamme de maquillage qualitative, aussi désirable que celle d’une maison de luxe. Chez Paco Rabanne, le sujet est en discussion. D’ici là, la marque se targue d’être la première à utiliser des particules pailletées biodégradables. Côté approche, pour satisfaire les jeunes générations phobiques des diktats, les marques proposent non plus des looks, mais des moods (ambiances), comme chez Paco Rabanne. Elles disent « favoriser l’expression individuelle ». Une revendication très mode.

Des pièces couture presque abordables

Si la mode profite au make-up en lui insufflant un patrimoine inspirant, infiltrer ce secteur de la beauté n’est bien sûr pas sans intérêt pour les maisons de couture. Moins onéreux qu’une pièce du vestiaire, les rouges à lèvres et les palettes captent une nouvelle clientèle, comme étaient censées le faire les déclinaisons des marques pour les jeunes. « Chères et souvent d’une qualité moindre, elles ont finalement nui à l’image des maisons. Le maquillage prend leur place et devient le produit accessible par excellence », estime Eric Briones.

Paco Rabanne affirme ouvertement son désir de capter la génération Z et n’hésite pas à faire appel à des tiktokeurs pour communiquer. « Le maquillage s’impose comme la catégorie reine pour créer un lien rapide avec la mode, et un nouveau filtre de lecture pour les consommateurs qui ne nous connaissent pas encore. Il est devenu essentiel pour une maison de couture », assure Jérôme Leloup, vice-président de Paco Rabanne.

Pour entériner ce lien, la make-up artist Diane Kendal a créé les maquillages de la campagne publicitaire réalisée sous la direction de Julien Dossena. Elle contrôlera aussi ceux des défilés. Car quoi de mieux que la présence sur les shows pour installer une cohérence entre mode et beauté ? Les maisons historiques comme Chanel et Dior assurent également cette présence backstage, tout en revisitant leur patrimoine à travers les produits. Cet automne, Chanel présente Les Symboles, des poudres dont les motifs reprennent les perles, le lion, la comète, le camélia, les chaînes : tous ces codes qui ont forgé la légende Chanel.


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